Un défilé de mode
Elle habitait un immeuble qui se rappelait la Seconde Guerre mondiale. Un immeuble avec du plâtre comme une passoire. Le rythme journalier des voisins était imposé par une camionnette avec l’inscription « Bodzio Delivery » dans laquelle tintaient des bouteilles. Le bruit des roues le matin signalait que le rassemblement d’un groupe de soutien pour les hommes – un stand la bière en tôle – était prêt à accueillir les passagers à bord.
Contrairement aux associations probablement provoquées par cette description, c’était l’époque où elle vivait dans l’opulence. « Dans l’opulence » veut dire qu’elle n’était pas difficile, elle attrapait ce que la vie lui apportait et elle donnait généreusement de sa personne. Elle prenait tout de chacun, quoi qu’il disait, faisait, pensait, sentait, avait. Tout était utile.
Le stand de bière se trouvait sur la terre durcie, à 100 mètres de l’entrée de sa cour. Après des salutations excessives, on s’y insultait, dévoilait des secrets et commentait tantôt la bière, tantôt la politique. Et avant tout les femmes. Les leurs et celles qu’ils désiraient.
Quand elle tournait au coin, les conférenciers se taisaient même s’ils se jetaient tout à l’heure sur la cruauté comme des mouches sur la viande. Leur pantomime permettait de supposer que, comme à tous les hommes, la vie familiale avec une telle femme leur paraissait impossible. Avec elle, ils ne voudraient que s’imprégner du plaisir que les soucis ne pouvaient pas perturber.
Elle allait lentement vers sa voiture en distribuant des sourires à un public applaudissant à la vue de son corps. Elle s’était pomponnée et maquillée pour être prête à ce défilé de mode de 5 minutes. Son engagement frappait quand on prenait en considération le taux de rendement. Mais apparemment, le profit est une valeur subjective.
Et chaque matin, ils vivaient donc ils ressentaient une douleur mais les hommes avaient leur bière, et elle – le ravissement pour l’apaiser. Ils allaient bien ensemble et avec ce lieu où ils se sont trouvés par hasard.