Je suis un patient
L’angoisse. Je me suis perdue en allant au cabinet du docteur. D’un côté, je veux y aller, de l’autre non.
Je suis sur place. Je balaye le décor du regard : un divan, des tapis.
Il m’invite à m’asseoir dans le fauteuil. C’est une consultation, alors on s’assoit face-à-face.
Il est chaleureux. Je parle du thérapeute, pas du fauteuil. Je vérifie s’il ressemble à ma dernière thérapeute et si c’est le cas, je dois m’en enfuir tout de suite. Peut-être que je le saurais grâce à la température ambiante ? Là-bas, il faisait un froid de canard.
Je commence à parler. Je ne me souviens pas de quoi. Ma voix tremble.
Il m’interrompt : « Votre voix tremble. »
Je me mets à pleurer.
On essaie ensemble de comprendre pourquoi je suis là.
Je pleure.
« Je veux m’engager, être authentique. » – dis-je.
Je pleure.
« Et d’où vient ce manque d’authenticité ? » – me demande-t-il.
Je pleure, je parle.
De ma mère alcoolique.
De la solitude à la maison durant mon enfance.
Des coups dans la porte fermée quand les parents sortaient pour aller à une fête et me laissaient seule à la maison. De ma voisine qui s’asseyait de l’autre côté de la porte et me calmait en me racontant des histoires je pense, je ne sais plus.
Des moments où je passais des crayons de couleurs et des feuilles de papier à ma mère pendant les fêtes auxquelles ils m’emmenaient. Elle buvait et dansait et moi, j’avais peur qu’elle s’enivre et qu’il y ait un scandale, alors je lui demandais de me dessiner une maison. Si les murs n’étaient pas droits, je donnais l’alerte car c’était le signe qu’elle était déjà ivre.
Des tortures de mon père.
À la maison, tout ça n’avait pas d’importance. On en parlait sous forme d’historiettes.
« Vous aviez une raison de vous vous être cachée. » – dit mon psychothérapeute.
Je pleure.
« Vous aussi racontez tout ça en tant qu’historiette. » – ajoute-t-il.
Je sanglote.
« J’avais l’impression d’avoir mal partout. » – lui réponds-je.
Notre séance est finie. Je sors.
Je tremble.
Je regarde dans le rétroviseur dans ma voiture.
Mes yeux sont rouges.
Mais comment est-il possible que je me plaise dans cet état déplorable.
Je vais me faire plaisir
Dans mon café préféré, il n’y a pas mon gâteau préféré aux amandes.
Je prends celui au chocolat.
Il est fade.
Je ne suis pas d’humeur aujourd’hui
Je ne vais pas le terminer.
Je ne le prendrai pas non plus pour plus tard.