Cheveux crépus
Une bouche fardée trace un trait serré. Aucun aliment ne passe par une telle bouche, il faut du goutte-à-goutte. Je n’étais pas capable d’apprécier sa capacité à s’enterrer vivante. Dès que je pensais avoir appris à connaître son allure, elle me surprenait. De nouveaux sourcils, plus de teinture, de latex, de mascara, de polyester fané, des cheveux secs et crépus. Un sourire immobile et une poitrine défiant les lois de la gravité. Apparemment, elle pensait que la mort lui allait bien.
Je la connaissais depuis quelques années, cinquante minutes précipitées par semaine. Elle bourrait ces cinquante minutes de plaintes, d’un recueil entier de sa vie morte. Les difficultés et catastrophes de sa vie revenaient monotonement. Elles tombaient goutte à goutte comme d’un robinet en panne, régulièrement et inexorablement. Tout était empoisonné, elle devait parler de tout, c’était la seule façon de se débarrasser de cette vie pour un moment.
Finalement, elle m’a convaincu qu’elle traînait son malheur derrière elle et qu’on ne peut rien faire avec ça. Je l’écoutais, attristée que sa vie m’intéressait de moins en moins. Je ne disais rien. Curieusement, elle appréciait mon silence. Ainsi, elle pouvait broder ses histoires sur le tourment de plus en plus facilement, et moi, je pensais que le lendemain, le jour d’après, elle aurait une journée sereine.