Chope une fringue
Il paraît qu’à Olsztynek le temps s’est arrêté. Il paraît que ça donne une mauvaise réputation à la beauté de cette ville. C’est une preuve que la beauté est un phénomène relatif car pour elle, bien qu’elle ait vu la laideur héritée de l’époque communiste qui émergeait au tournant, Olsztynek était beau. Elle ne se demandait pas pourquoi. Il lui rappelait peut-être des moments joyeux de son enfance ? Ou peut-être, elle n’attendait de cette ville rien de plus que ce qu’elle offrait. Ce qui aurait dû se passer s’est déjà passé, donc il n’y avait pas de solitude car l’homme est solitaire quand il attend…
Le magasin « Chope une fringue » dont la grande ouverture a eu lieu en juin, comme en informait une grande bannière, ne pouvait surprendre que de manière positive. C’est la question d’une barre bien placée. Le magasin comme cette ville. On n’y entre pas, on ne va pas tout droit, on ne cherche rien de concret, de conforme à la vision, donc on n’en sort pas les mains vides et la frustration dans le cœur. Un tel magasin et une telle ville où l’on court, fouille tantôt dans un panier avec différents trucs, tantôt dans les robes sur un porte-manteau. Ta satisfaction ou son manque dépend des gestes du cœur et non des attentes venues de n’importe où.
« Ça, c’est la taille 46 » – a-t-elle entendu de la part d’une voix douce quand elle regardait joyeusement excitée ce qui était sur le dernier porte-manteau qui se trouvait presque dans la vitrine. La vendeuse et probablement propriétaire en même temps, l’a gentiment regardé. Elle avait l’air d’une personne capable d’arrêter ce qu’elle était en train de faire sans irritation et de consacrer son attention aux autres sans s’attendre à une compensation sous la forme d’un achat. « On peut l’acheter pour plus tard » – a-t-elle continué de bonne foi. Il y avait quelque chose d’apaisant dans cette phrase. L’ordre naturel des choses, le temps qui passe que l’on peut enfiler. Et il paraît qu’à Olsztynek le temps s’est arrêté. Ou peut-être j’aurais dû écrire « Oui, apparemment à Olsztynek le temps s’est effectivement arrêté ». Je ne sais pas.