Tel Aviv
Elle attache ses lacets. Sur ses pieds, elle a deux chaussures différentes. Une violette et une verte. Déjà dans la boutique, elle ne pouvait pas se décider. Elle était coincée devant le miroir « Je vais en acheter soit une paire, soit aucune ». Elle n’a fait ni l’un ni l’autre, comme elle n’avait pas fait, et elle ne fera jamais, de choses raisonnables.
Elle marche dans les rues à l’ombre. Elle se sent vivante, c’est ce dont on ne peut pas décider soi-même. Une multitude de relations, celles favorables et celles dérangeantes. Elles sont confortables, ces chaussures. Idéales pour rentrer chez soi.
Tel Aviv – une relation favorable. On ne doit pas y faire semblant, et ainsi l’homme devient magnifiquement plus beau. Elle y a retrouvé l’espace où tout avait du sens. Rien de superflu. On n’y a pas d’habitudes, on n’y flotte pas, on ne s’y préoccupe pas des détails sans importance qui piègent les pensées. On n’y inventorie pas d’objets, de plaies, de rôles.
C’est ici qu’elle s’est débarrassée de cette damnée et constante propension à protéger et à prendre soin. De la certitude que tout ce qui est mauvais est à cause d’elle, qu’elle doit le réparer et pleurnicher avec une gentillesse névrosée pour être pardonnée. C’est ici qu’elle peut porter deux chaussures différentes. C’est ici qu’on peut être heureux près d’elle.